Tahurai Henry

tahurai-texte-1

Tahurai Henry, l’héritier de Teahupo’o

"Je suis papa depuis 24 heures. Je suis un enfant de Teahupo’o. Désormais, mon bébé l’est aussi.

Mes ancêtres ont quitté Aitutaki (Les Îles Cook) il y a longtemps. Ils sont arrivés par la mer en pirogue à voile. Je suis descendant des premiers Tahitiens à avoir habité les terres face à la vague de Teahupo’o. Ma grand-mère parlait mieux tahitien que français et j'ai grandi avec elle. Pour communiquer avec elle, j'ai dû apprendre la langue, notre culture et nos légendes. Je suis fier de mes ancêtres et reconnaissant de savoir que j'appartiens à cette histoire. J'ai été un enfant « demi » ; blanc aux yeux clairs, à moitié tahitien, à moitié blanc. Aujourd’hui, j’ai le sentiment d'être l’uns des héritiers et gardiens de Teahupo’o, de devoir transmettre aux plus jeunes ce que j'ai pu apprendre, d’avoir la responsabilité de partager cet endroit si beau car ce lieu ne m’appartient pas.

"« Teahupo’o, c’est plus qu'une vague, c'est une âme, c'est quelque chose de sur-puissant qu'il faut respecter, autant ses populations que ses terres."

En tant que surfeurs, notre combat éternel est la protection de ce havre de paix. J’essaie de mener des actions à mon échelle pour préserver l’authenticité de Teahupo’o. Je suis notamment le représentant de la communauté surf à Teahupo’o pour les JO 2024. Avec ma femme Hinatea, nous avons construit notre vie autour du partage authentique. C’est dans cet objectif que nous avons créé une pension de famille sur la côte sud-ouest de l’île, à la fin de la route, à trois minutes de marche au milieu des terres familiales. On est entourés d'arbres et il y a un accès direct à la vague. Je ne pense pas que je pourrais être heureux sans la mer à proximité. L'océan, c'est toute ma vie, c’est ce qui me calme, ce qui me cadre. Quand je suis heureux je vais à la mer, quand je suis triste je vais à la mer, quand je suis énervé, je vais à la mer. C'est comme une deuxième maman ; elle me berce. Teahupo’o, c’est là où j’ai envie d'être. Me déraciner, ce serait me changer.

J’ai appris à surfer à l’embouchure de la rivière avec mes cousins et mon petit frère. Nos aînés nous ont pris sous leurs ailes. Du jour au lendemain, on est passés d’une petite droite magique qui casse sur le sable et les galets à la vague la plus dangereuse au monde. Teahupo’o est devenu une drogue. Aujourd’hui, je suis heureux que mon bébé puisse grandir ici, à proximité de la mer, du surf, de la pêche, des cascades, de la rivière, des plantations et de la montagne. Je profite de ce cadeau dont on a hérité. C’est l’idée que j’essaie de faire passer aux jeunes. Je veille sur eux comme sur des petits frères, dans la mer comme dans la vie. C’est le cas de Gilbert Teave qui fait partie de ceux à qui j'ai donné une de leurs premières planches. Gilbert est destiné à être le prochain prince de Teahupo’o.

tahurai-texte-2-copie

"C'est ça la vraie vie, c’est vivre de la terre et de la mer."

Avant, j'avais besoin de montrer que c'était chez moi. Aujourd'hui, je veux m'amuser et prendre du plaisir. J'ai poussé mes limites dans le surf de gros jusqu'au point où je suis tombé, où je me suis fait mal. C'était une vague démesurée, pour du tow-in et je l’ai prise à la rame. J'ai tapé violemment ma nuque, mon dos et ma tête contre le récif. Mon dos a craqué, j'ai perdu connaissance. Durant deux à trois mois, je n'ai pas pu me lever tout seul. C’est le pire accident que tu peux avoir avant la mort. La nature m'a montré que tu ne peux pas briller à tous les coups. Cet accident m'a rendu plus humble. Après cette blessure au dos, j'ai découvert la passion du rescue. Un jour, mon enfant prendra sûrement de grosses vagues, j'aurai peur mais je serai là pour lui. Je ne pourrais pas rêver mieux que de voir mon fils surfer mais s’il choisit de faire du ping-pong, il fera du ping pong ! Mon but, c'est de lui inculquer tout mon savoir, au sujet du surf, des coraux, des poissons, comment pêcher pour subvenir à ses propres besoins, comment planter des légumes et des arbres fruitiers. Parce que c'est ça la vraie vie, c’est vivre de la terre et de la mer."

Suivez Tahurai sur les réseaux sociaux