Gilbert Teave

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Gilbert Teave, futur prince de Teahupo’o

"Quand tu te lances sur cette vague, tu ressens ce qu’on appelle en Tahitien, le Mana, la force"

Gilbert Teave, c’est l’effervescence. Ce sont les rêves qu’on accumule avec excitation, espoir et la certitude qu’ils vont se réaliser. Dans sa vie, Gilbert en est là, au croisement où tout est encore possible. Et à 16 ans, il a le droit d’y croire parce qu’il s’en donne les moyens.

La plupart du temps, Teahupo’o sommeille, mais parfois elle gronde avant de détonner dans un bruit de canon. Ces matins-là, Gilbert est l’un des premiers à se jeter à l’eau. « Je suis un enfant de Teahupo’o. J’ai vécu à Punaauia mais je suis arrivé ici à l’âge de 10 ans parce que mes parents avaient des terrains familiaux. » C’est chez eux qu’il vit, entre les murs de la petite maison située à la fin de la route, là où la terre s’arrête pour se déverser dans l’océan Pacifique, là où les 4x4 se parquent les jours de grandes houles. « J’ai jamais grandi très loin d’un spot. Même quand je vivais à Punaauia, je surfais à Sapinus. Quand c’est énorme, ça peut faire la même taille que Teahupo’o, ça bouge pareil. » Sa première vague, Gilbert l’a prise là-bas, à l’ouest de l’île, en bodyboard. Il se souvient d’une petite vague qui cassait sur le sable. « Je voyais les autres se lever donc je me suis dit pourquoi pas essayer. Je connaissais un tonton qui vendait des planches de surf, mes parents m’ont acheté ma première planche avec lui. J’avais 6-7 ans. Je surfais des vagues au bord pour apprendre à avoir une bonne ligne. Après, on a déménagé à Teahupo’o et c’est là que j’ai commencé à surfer au large. Je suis allé au récif et je me suis lancé. »

Teahupo’o. Seuls ceux qui l’ont vue surgir ont en tête son caractère indomptable. Depuis toujours pourtant, des surfeurs comme Gilbert tentent de l’apprivoiser, avec humilité. « C’est important de toujours respecter la vague de Teahupo’o car elle est hyper dangereuse. Juste avant de prendre la vague, tout le monde rame mais rapidement, il n’y a que toi et elle. Tu ne penses à rien, seulement à réussir le take off et au ride. Quand tu te lances sur cette vague, tu ressens ce qu’on appelle en Tahitien, le Mana, la force, surtout quand la vague est grosse. J’ai conscience que tout peut s’arrêter à tout moment. Le terrible accident, c’est possible mais je reste positif, je prends du plaisir et je surfe au feeling. À chaque fois que c’est gros, je vois mes amis repousser leurs limites et ça me motive vraiment à faire pareil. »

Ses amis, ce sont ses idoles. Il évoque Matahi Drollet, le prodige, le roi sans couronne. « Je m’inspire beaucoup de lui en tant que free surfeur. Il arrive à gagner sa vie en free surf sans avoir à travailler à côté. J’aimerais un jour faire la même chose ; passer mes journées dans l’eau et surfer entre collègues. J’aimerais à la fois rester à Teahupo’o et pouvoir voyager ailleurs, à Hawaii et en France aussi. Je voudrais aller partout où il y a les plus belles vagues au monde. Je voudrais aussi pouvoir aider mes parents. » Et c’est là qu’on comprend, qu’on saisit l’origine de son abnégation. Dans l’eau comme dans la vie, Gilbert trace des trajectoires avec le sourire et, résolument, il les suit. « Une année, j’ai vendu des noix de coco à la fin de la route pour faire de l’argent. J’allais les chercher à la partie située après Teahupo’o, là où c’est mystique. Puis je me postais à la fin de la route, là où je sais que les gens achètent des cocos. Je voulais juste aller surfer à Hawaii mais ça n’a pas pu se faire. J’espère pouvoir y aller cette année. »

Pour Tahurai Henry, Gilbert, c’est la relève. Il parle de lui avec la distance étroite et émue d’un grand frère spirituel. « C'était un devoir pour moi d'être là. Gilbert est destiné à être le prochain prince de Teahupo’o. » Être waterman, c’est à la fois détenir les compétences dans le milieu aquatique, avoir non seulement l’envie mais surtout la conscience et le respect de son environnement. Et à l’eau, on dit de Gilbert qu’il a l’attitude. « Je suis heureux que Tahurai me fasse confiance, ça me pousse encore plus. Tereva David me coache, il m’aide beaucoup aussi. Ça me fait plaisir d’avoir des gens qui croient en moi, ça renforce ma volonté d’en faire ma carrière. J’ai un peu la pression mais j’ai hâte d’être connu.»

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Et Gilbert finit comme ça, avec ses rêves étalés en grand, l’ambition dans les jambes, l’engagement qui ruisselle dans les yeux, armé d’une détermination contagieuse. Connu, on a envie de lui dire qu’il l’est déjà, qu’on le regarde évoluer, qu’on est déjà nombreux à croire en lui, et qu’il est, sans aucun doute, le prochain prince de Teahupo’o.

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