Le Départ Imprévu

Un Nouveau Souffle à Bord
C’est à ce moment-là qu’on reçoit un appel de Freyah, une pote de pote qui a vécut à Moorea, en Polynésie française à peu près à la même époque que moi. Elle est disponible et souhaite monter à bord pour le reste de l’expédition. Les planètes s’alignent, elle nous retrouve à Mackay quelques jours après avoir remis le voilier à l’eau. Dès qu’elle pose le pied sur le bateau, un souffle de fraîcheur souffle dans nos voiles. Dans ses yeux, on retrouve l’émerveillement que la fibre de verre du chantier avait fini par éroder dans les nôtres. Les voiles dressées, on reprend la route. Goldsmith island, Shaw island : deux stop dans des îles désertes et paradisiaques. C’est le printemps australien, il fait encore frais. L’absence de vagues nous invite à explorer les environs à terre et sous la mer. L’eau est un peu trouble, je m’aventure un soir seule pour explorer un récif qui me semble poissonneux. Je suis alerte, c’est l’Australie, à tout moment un requin blanc peut me passer devant. Je finis par sortir de l’eau après qu’une tortue un peu effrayée m’ait surprise (terrorisée) en me passant devant à toute vitesse.

Vagues, Baleines et Récifs
Après deux semaines de farniente, on continue notre route vers le Nord de l’Australie. Aussi difficile à croire que cela puisse paraître, il y a des baleines partout, partout, partout autour de nous : on doit constamment changer de cap pour les éviter, je n’avais jamais vu un truc pareil. Quand ce ne sont pas les baleines, ce sont les cargos et les récifs de la Grande Barrière de Corail. On fait quelques pauses. D’abord une semaine à Cairns pour se réapprovisionner en nourriture (« c’est le dernier port avec des supermarchés avant l’Indonésie ») et dire bonjour aux copains Tahitiens qui vivent là bas. Puis un stop sur un atoll de la grande barrière de corail. On attrape un corps mort au coucher du soleil. Ouf. C’est impressionnant d’arriver dans un endroit où il n’y a personne, aucun bateau, aucune habitation, de s’amarrer à une bouée et de se jeter à l’eau avec un masque. Et les courants ? Est-ce que je risque de voir un serpent de mer (oui) ? Des requins (oui) ? En tant que femmes, on a pas souvent l’occasion de prendre ce genre de risques. Souvent les hommes font le repérage. Mais dans cette aventure, il n’y a pas d’autre option. Alors on prend confiance, on passe des heures sous l’eau. C’est excitant, c’est spectaculaire. Requins, barracudas géant, la visibilité est dingue, on y voit à 30m. On reste 24h et on repart vers le Nord.
Vivre au Rythme du Voilier
La navigation le long de la côte Australienne est intense. Le vent est irrégulier et alterne entre calme plat et rafales à plus de 30noeuds (50km/h). Il faut toujours être alerte, car les cargos sont toujours là et les récifs n’ont pas disparus. Pourtant la barrière de corail nous protège des vagues, Venture glisse avec aisance sur une mer plate. Le soleil nous réchauffe la journée et on garde nos couettes la nuit. A bord, l’ambiance est inspirée. La navigation est l’occasion de faire le point sur les émotions des derniers mois. Qu’est-ce que je veux laisser derrière moi ? Qu’est-ce que j’imagine pour la suite ? Et puis surtout, ce sont des heures entières à regarder le paysage, la mer, les îles qui nous entourent. Parfois j’écoute de la musique, la plupart du temps, la bande son est celle du bateau qui glisse sur l’eau. Pourtant je ne suis pas du genre solitaire qui apprécie le vide à terre; mais tous les récits de navigateur.rice vous le diront : en voilier, le cerveau débranche. C’est peut être ce que j’aime autant.

L’Arrivée sur Horn Island
Enfin, on arrive sur Horn Island, dans le détroit de Torres, le point le plus au Nord de l’Australie, dernière étape avant de tourner à l’Ouest, vers l’Indonésie. L’eau est sublime, un bleu turquoise irresistible. Une pancarte alerte « No swimming, crocodiles » - pas de baignade, crocodiles. Mazette, j’ai les genoux qui tremblent. Même sur l’annexe on a peur : à ras de l’eau et avec un moteur de 2.4CV, je suis pas sûre de gagner la course contre ces dinosaures géants. On pense rester deux jours, on restera deux semaines, une histoire de visa mal anticipée qui prend du temps. Je suis déçue. J’en ai marre d’attendre, marre des galères, des trucs qui marchent pas comme prévu. Je passe deux semaines dans le bateau à dormir et à bouder. Le temps est différent en bateau. Deux semaines c’est peu. Je les vis comme une journée de train, le temps d’un trajet. On explore un peu les îles autour avec les filles quand même. Skate avec Freyah, rencontre avec quelques locaux, quelques soirées marrantes, un concert où Tash chante le dernier soir. On part au moment où on commence à vraiment se marrer. Il faut souvent au moins 2 semaines pour faire ses marques. J’ai envie de m’en souvenir plus tard : ne pas oublier de prendre le temps de s’installer.
La Traversée Finale vers l’Indonésie
Ca y est, il est temps de quitter l’Australie. Cette navigation vers l’Indonésie est sublime. Le vent souffle à 15-20 noeuds derrière nous (30km/h), la mer est calme et le ciel alterne entre clair et nuageux. Le bateau file sous le régulateur d’allure - un pilote automatique qui fonctionne au vent- et il ne nous reste pas grand chose à faire. On s’ennuie un peu, on lit, on trouve des astuces pour échapper au soleil. Pas beaucoup de vie marine pour une fois. Tous les soirs, au coucher du soleil, on s’assoit dans le cockpit pour philosopher. D’où vient la morale ? De quelle vie rêve-t-on ? Et toi t’as listé les caractéristiques de l’homme de ta vie ? On prend des douches au seau à l’eau de mer à l’arrière du bateau et on dort entre nos quarts. Au matin du 6ème jour, on arrive sur l’île de Tual. L’Asie, l’Indonésie, ça y est.
A suivre.

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