Mathieu Maréchal

mathieu-marechal-texte1

Billig & longboard classique, sans cliché

avec Mathieu Maréchal

Sans cliché, il pleut sur la Bretagne lorsque j’interview Mathieu Maréchal. Cette pluie fine qui ne mouille jamais mais qui, unanimement, agace. Cela dure depuis des semaines. Nous sommes mi-juillet et toujours pas d’été à l’horizon. « L’anticyclone devrait arriver, tous les bretons sont sur le coup. C’est le sujet de discussion officiel, ça va faire du bien, » me lance-t-il avec l’optimisme des habitués. Mathieu est né à Quimper mais sa famille est originaire du Finistère sud, et pendant longtemps, on lui disait qu’il était Bigouden. Pourtant, à la question Qui es-tu, sa réponse met fin au débat : « Je suis juste breton. » Il a grandi autour du spot de la Torche, le plus célèbre de la région. « Ma grand-mère vit juste à côté, mon grand-père était marin-pêcheur. Il est décédé très jeune, il avait un bateau. Il est parti en mer et ils ne l’ont jamais retrouvé. Donc ma grand-mère n'était pas très rassurée quand, tout jeune, j'allais surfer.»

“Quand tu vis au bord de la mer, je pense que tu es obligé d’aimer ça.”

Dès l’âge de 7 ans, Mathieu passe tout son temps dans l’eau. « Quand tu vis au bord de la mer, je pense que tu es obligé d’aimer ça. Ce doit être dans les gènes. » Plus tard, il intègrera le pôle Espoir Bretagne. A cette époque, il n’est alors question que de performance. « Quand tu enchaînes les entrainements, tu deviens formaté pour surfer. Vers 18 ans, j’ai suivi toutes les compétitions durant un an. C’est là où j’ai saturé. » Mathieu délaisse alors ses planches jusqu’à les revendre. Pas une seule fois à l’eau durant un an et demi. L’excès des dégoutés. « Moi, ce que j’aimais, c’était avant tout le côté calme et gracieux du longboard. J’aimais tout simplement faire des noses. En compétition, il n’est question que de critères, de manoeuvres et de jugements. Peu de place pour le style. Je trouvais ça trop violent. Aujourd’hui, dans mon surf, c’est tout l’inverse. Il y a seulement le côté plaisir ; je fais ce que la vague veut que je fasse. Je l’écoute. »

Durant une échappée belle à Biarritz qui dure plus de 5 ans, Mathieu goûte à la fois à l’effervescence des spots de la côte basque et peaufine son style classique sur les single fins traditionnels revisités par Thomas Bexon, le célèbre shaper australien. La passion du longboard se vit et se partage entre potes, au gré des sessions. Sur son noserider sans leash, son style épuré tout en courbes et en élégance, se fait remarquer. Désormais, pour celui qu’on appelle unanimement Marech’, et selon la culture retro, le sérieux n’a plus sa place à l’eau. Pas croisés jusqu’au nose, pas croisés marche arrière, bottom turn, pas croisés jusqu’au nose, et ainsi de suite. A l’infini.

mathieu-marechal-texte2

Malgré la douce adaptation dans le sud, cet éloignement creuse le manque, le renvoyant directement et sans surprise aux sources. Et toujours sans cliché, les crêpes de sa mère y sont pour beaucoup. « Quand j’étais au pays basque, je suis même descendu avec mon billig*. J’avais un fort succès ! Le Breton ne se sépare jamais de son billig! Mon rituel depuis que je suis tout petit, c’est crêpes à la maison tous les mercredis. » Aujourd’hui, Marech’ travaille auprès de ses parents dans un bar PMU, le véritable lieu de vie du village. « Ce sont les mêmes clients depuis 30 ans, » dit-il. « Le calme, le surf, la famille et les copains, c’est ce qui m’a fait remonter en Bretagne. Ici, tu fais quelques kilomètres et tu peux facilement trouver un spot où il y a soit personne, soit pas grand monde. La Bretagne, c’est encore sauvage. Depuis quelques années avec des potes, on est à fond dans la pêche. Quand il n’y a pas de vagues, on prend le bateau et on va pêcher. »

De tout temps, Mathieu est ici chez lui. C’est un paysage qui lui tapisse la rétine. Les criques, les pins maritimes, les rochers et les dunes, le parfum iodé du grand large, les plages désertes, les vagues désertées, les pinces de crabes et les cadavres de coquilles Saint-Jacques, les pontons jonchés de poissons, les bateaux de pêche colorés du même bleu, celui qui désormais habille le portail de sa nouvelle maison à La Torche. « Il y a une grande route qui donne accès au spot et on habite une petite maison assez classique bordée de grands cyprès, située juste avant le spot. Les petites sessions à pied, ça fait vraiment plaisir ! »

Lorsque nous terminons l’interview, toujours aucune trace de l’anticyclone. Mais grâce à Mathieu, à son sourire et ses valeurs, on apercevrait presque un bout de l’été. Puis, comme on dit en Bretagne : « Mieux vaut qu’il pleuve aujourd’hui qu’un jour où il fait beau ». Le fameux optimisme des habitués.

*Billig: crêpière traditionnelle bretonne

Suivez Mathieu sur les réseaux sociaux